Dérives à gauche28/02/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/02/2900.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Dérives à gauche

Depuis l’installation des barrages, quand les représentants de la gauche ou des syndicats de Mayotte s’expriment, ils reprennent le discours des Forces vives, contre l’insécurité mais aussi contre les étrangers comoriens ou africains.

Interviewée sur Mayotte 1ère, Yasmina Aouny, ancienne candidate LFI, a utilisé trois fois le mot « terroristes » pour désigner les gangs de délinquants qui rançonnent la population, avant de dénoncer l’occupation du stade de Cavani par des réfugiés africains. Dans une interview à L’Humanité, Haoussi Boinahedja, secrétaire général de la CGT Mayotte, a dénoncé « une immigration d’appropriation, car l’État comorien revendique notre territoire ».

Bien sûr, la situation d’insécurité et de violence subie par la population mahoraise, à commencer par les classes populaires, est bien réelle et ne cesse de s’aggraver. La pauvreté qui touche 75 % de la population, le chômage massif et la présence de quelques dizaines de milliers d’enfants et de jeunes Comoriens livrés à eux-mêmes, parce que leurs parents ont été expulsés, alimentent les gangs, les vols et les agressions, y compris contre des écoles.

Cette situation insupportable est d’abord la responsabilité de l’État français, qui maintient Mayotte dans un état de sous-développement. Le secrétaire de la CGT le dit lui-même clairement : « Le smic mahorais est inférieur de 25 % par rapport au smic national ; le montant moyen de la retraite s’élève à 278 euros ; celui du RSA reste inférieur de moitié au RSA national. » C’est aussi l’État français qui bloque à Mayotte des dizaines de milliers de migrants ayant obtenu un titre de séjour « territorialisé », c’est-à-dire leur interdisant de partir à La Réunion ou en métropole. Ce titre doit être renouvelé chaque année contre un timbre fiscal qui coûte 300 euros, une somme importante à Mayotte.

Les habitants de Mayotte, transformé en département français en 2011 sans en avoir la totalité des droits et surtout sans moyens, ont donc bien raison de se sentir méprisés par l’État. La représentante LFI ou le secrétaire de la CGT dénoncent à juste titre cette situation. Mais quand ils reprennent à leur compte les propos xénophobes de l’extrême droite et la propagande anti-Comores des notables mahorais qui ont lié leur sort à la bourgeoisie française, ils sèment un poison mortel parmi les classes pauvres. Ils apportent la caution de leurs organisations, supposées progressistes, à une campagne xénophobe.

L’État français a manœu­vré il y a quarante ans pour séparer Mayotte du reste de l’archipel des Comores, introduisant une frontière au sein du même peuple. Il porte une grande responsabilité dans les guerres en Afrique qui poussent des femmes et des hommes à chercher un exil à Mayotte ou ailleurs. Ces migrants ne sont en rien responsables du chaos. En faire des boucs émissaires n’améliorera pas le sort des travailleurs mahorais.

Un militant qui ne garde pas cette boussole de classe ne peut défendre les intérêts des travailleurs. Les travailleurs et les pauvres de Mayotte ont tout à perdre s’ils s’alignent derrière des Forces vives dominées par les notables et gangrenées par l’extrême droite.

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