Iran : abstention massive aux élections13/03/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/03/2902.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Iran : abstention massive aux élections

Trente-six millions d’Iraniens sur 61 millions d’électeurs, soit 59 %, se sont abstenus à l’élection du 1er mars. Elle était destinée à élire 290 députés et 88 religieux, chargés de choisir parmi eux le futur « guide suprême. »

Même en partant de ce chiffre officiel, donc à prendre avec méfiance, la participation a été la plus basse depuis le début de la République islamique en 1979. À Téhéran, l’abstention aurait atteint 76 % d’après un journal réformateur cité par France Info. Jusqu’au dernier moment, le gouvernement a essayé de l’enrayer en rallongeant de six heures la durée d’ouverture des bureaux de vote. Le jour du vote, le président du Parlement lui-même a exhorté par message en ligne les citoyens à appeler « leurs amis ou leurs connaissances dès maintenant et à les convaincre de participer aux élections », rapporte France 24.

Pour le gouvernement, c’était un test car il s’agissait des premières élections après l’explosion sociale de l’automne 2022 qui avait suivi l’assassinat par la police d’une jeune femme, Mahsa Amini, pour un voile mal porté. Ce mouvement, que le pouvoir a réussi à faire reculer par une répression sanglante, a été impressionnant par sa durée et sa profondeur. L’abstention massive est le signe qu’une rupture s’est faite dans la tête de millions d’Iraniens. La marque peut-être la plus visible est le nombre de femmes qui, malgré le danger, ne sortent plus avec le voile et le nombre d’hommes qui les soutiennent.

L’opposition politique, regroupée dans un Front des réformes, dont presque tous les candidats ont été recalés par le pouvoir, avait appelé au boycott. En effet, le gouvernement a disqualifié jusqu’à d’anciens présidents de la République comme Mohammad Khatami ou Hassan Rohani. Ceux qui ont été acceptés ont été vertement critiqués dans les réunions électorales, comme celui qui a été interpellé dans ces termes : « Je vous conseille de changer le nom de votre parti “Voix du peuple” en “Pion du pouvoir”. » L’agitation pour le boycott a été importante, malgré les risques, comme ce témoignage cité par Le Figaro du 3 mars : « On écrit sur les arrêts de bus, sur les billets de banques, on distri­bue des tracts aux passants dans les rues. » Et le mot d’ordre était de transformer les villes en villes mortes : « Personne dans les rues, [...] pour éviter que la police ne nous embarque et ne nous force à aller voter. »

Ce désaveu flagrant infligé au pouvoir témoigne de la perte de confiance de la population, en parti­culier dans les grands centres urbains. Elle s’en­fonce, mois après mois, dans la misère car elle paie plus que jamais le prix de l’inflation qui frôle les 50 %, d’après les chiffres ­gouvernementaux largement sous-estimés. Viande, fruits, soins médicaux, logement sont devenus inabordables. Tout est sacrifié pour essayer de se nourrir quand même et payer son loyer, qui a souvent été multiplié par deux. Des jeunes se suicident de désespoir, faute de trouver un emploi... « Personne n’est content ici. Dans cette prétendue République, les gens sont affamés ou le seront bientôt à cause de l’explosion des prix alimentaires, et tout le monde a perdu au moins un proche des mains de la police des mœurs. »

L’abstention à ces élections est une indication de la rupture d’une partie de la population avec un pouvoir politique qui avait su malgré tout se constituer une certaine base sociale.

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