Tesla : après le sabotage d’une usine10/04/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/04/une_2906-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Tesla : après le sabotage d’une usine

Le 5 mars, un incendie volontaire sur un pylône électrique a provoqué une gigantesque coupure de courant et brutalement arrêté la production de la « gigafactory » Tesla de la région de Berlin, en Allemagne.

La production est restée à l’arrêt pendant une semaine et le courant coupé pour les riverains. Un petit groupe anarchiste, Vulkan (Volcan), a revendiqué l’attaque, mais la tension autour de l’usine date de sa création, quand le trust a choisi une région bucolique de forêts et de lacs, dans l’ancienne Allemagne de l’Est pour implanter sa « gigafactory ».

Il a fallu abattre 300 hectares de forêts, et une partie de l’usine a pris place sur des nappes phréatiques qui alimentent la région en eau potable. Elon Musk, le propriétaire du groupe et homme le plus riche du monde, a touché un milliard d’euros de subventions de cette région assez pauvre.

Seule usine du groupe en Europe, elle est sortie de terre en un temps record, et la production a démarré en 2022. Aujourd’hui, les 12 500 salariés postés produisent 260 000 voitures électriques par an. L’ambition de Tesla est de faire passer la production à 1 million de véhicules par an. Il veut donc agrandir le site et raser encore 100 hectares de forêts. Les habitants des villages alentour ont déjà largement exprimé leur opposition, critiquant la forte consommation d’eau de l’usine dans une zone protégée, les nuisances liées au bruit, à la lumière la nuit, au trafic routier intense dans une zone jusqu’ici tranquille.

À l’intérieur de l’usine aussi, le mécontentement ouvrier n’a cessé de croître. Suite à de très nombreux accidents de travail, dont certains graves et non reconnus, un millier d’ouvriers ont manifesté pour demander des mesures de sécurité. Épuisés, ils revendiquent des cadences moins élevées, plus de pauses et que Tesla rejoigne la convention collective de l’automobile, ce qu’il refuse obstinément. Tandis que Musk traite ouvertement tout militant syndical en ennemi, de plus en plus d’ouvriers adhèrent au syndicat IG Metall.

Les élections professionnelles ont eu lieu le 20 mars et pour contrer ce syndicat pourtant bien intégré, la direction a monté plusieurs listes patronales et déployé une intense propagande contre les délégués d’IG Metall. Elle a profité de l’attentat pour assimiler les « fauteurs de troubles » dans l’entreprise à ceux qui ont saboté le pylône et pour tenter de créer un sentiment d’unité : tout le monde – des ouvriers sur chaîne à Elon Musk – serait victime de l’attentat. En fait, cette opération n’a pas empêché IG Metall, qui d’ailleurs ne s’oppose pas à l’extension de l’usine, d’arriver en tête avec 39,4 % des voix.

En s’attaquant à Tesla, les auteurs de l’attentat ont sans doute voulu s’en prendre à l’emblème d’un capitalisme musclé. Ils ont dit s’attaquer aussi au « fascisme », Elon Musk ayant appelé à voter en Allemagne pour l’AfD d’extrême-droite. Mais l’un des écueils de ce type d’action est bien de risquer de rendre certains travailleurs solidaires de leur propre patron.

Les auteurs sont évidemment activement recherchés par la police. Le milliardaire Elon Musk est coupable de faits bien plus graves, lui qui a fait construire l’usine avant d’y être autorisé et malgré sa nocivité. En moins de deux ans de production, il a déjà détruit la santé de dizaines d’ouvrières et d’ouvriers par des accidents du travail, des conditions de travail néfastes et un stress permanent. Mais il ne sera bien sûr pas inquiété.

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