Rwanda : l’impérialisme français responsable et coupable03/04/20242024Journal/medias/journalarticle/images/2024/04/Rwanda.png.420x236_q85_box-0%2C0%2C673%2C378_crop_detail.png

il y a 30 ans

Rwanda : l’impérialisme français responsable et coupable

Le 6 avril 1994, à 20 h 30, le dictateur du Rwanda, mourait lors du crash de son avion, abattu par un missile. Quelques minutes après, dans les rues de la capitale Kigali, les miliciens du pouvoir hutu formaient les barrages sur lesquels commençaient les massacres de membres de l’ethnie tutsie et d’opposants politiques. Le génocide qui débutait allait durer 100 jours et faire plus de 800 000 morts.

Illustration - l’impérialisme français responsable et coupable

Dans tout le pays, les victimes sont alors assassinées par milliers sur les barrages ou pourchassées dans leur maison, dans les hôpitaux, dans les forêts où elles se cachent. La grande majorité des notables politiques ou religieux, tous liés au pouvoir, aident à regrouper et enfermer, pour faciliter leur extermination, ceux qui tentent de fuir ou de se protéger dans des écoles ou des églises. Les miliciens distribuent des armes et des machettes aux habitants, forçant y compris les voisins des victimes à participer à la tuerie, sous peine d’être exécutés eux-mêmes.

Pendant des semaines, les cadavres vont joncher les rues de toutes les villes et de tous les villages et la capitale devient un immense charnier. Aucun des nombreux officiers ou représentants des grandes puissances présents sur place ne peut échapper aux hurlements des victimes, des femmes violées, des enfants découpés à la machette après avoir vu leurs parents mourir. Et pourtant aucune capitale occidentale ne fera quoi que ce soit pour tenter d’arrêter le massacre.

L’héritage de la colonisation

Pour comprendre les raisons de cette horreur, il faut remonter à la colonisation du Rwanda. C’est pour imposer sa domination coloniale que la Belgique, succédant à l’Allemagne, y développa une politique de division au sein de la population. La partie tutsie fut favorisée au détriment des deux autres groupes : les Hutus et les Twas. Dans les années 1930, l’instauration de cartes d’identité portant mention de l’ethnie figea ces divisions et renforça les haines. De l’Inde à la Palestine, les puissances coloniales usaient partout du même procédé de division, avec des conséquences tout aussi criminelles.

Lors de la marche vers l’indépendance, le pouvoir belge favorisa cette fois l’accession au pouvoir des Hutus. L’Église catholique belge appuya même la propagande pour une « révolution sociale », cache-sexe de massacres de Tutsis, présentés comme des privilégiés. Des centaines de milliers de ceux-ci s’exilèrent pour échapper à la mort lors de l’indépendance. En 1962, les autorités belges remirent ainsi le pouvoir à des politiciens rwandais dont la base politique était la haine des Tutsis et la défense des Hutus. Dès lors, les massacres de Tutsis allaient accompagner chaque crise traversée par le pouvoir. En 1973, un coup d’État installa au pouvoir Juvénal Habyarimana, entouré d’une clique d’officiers et de civils se voulant encore plus extrémistes.

La France fit de cette dictature sanglante et ouvertement raciste un allié solide. Habyarimana devint un ami de Giscard d’Estaing, puis de Mitterrand, et des accords militaires lièrent les deux pays. La bourgeoisie française cherchait à conquérir de l’influence dans cette région car malgré toutes ses sales manœuvresdepuis les indépendances, elle perdait de son influence économique et politique en Afrique. Le Rwanda était idéalement positionné pour être un élément clef dans la concurrence entre impérialistes français, anglais et américain.

En octobre 1990, le Front patriotique rwandais (FPR), formé par des opposants tutsis, lança une offensive sur Kigali, à laquelle l’armée rwandaise s’avéra incapable de résister. Mais une victoire du FPR, lié aux États-Unis, était inacceptable pour la France, qui accrut son soutien militaire, s’impliqua directement dans les combats et livra massivement des armes.

Un massacre bien préparé

La dictature rwandaise alimentait les violences contre les Tutsis, présentés comme l’ennemi de l’intérieur. Les milices du parti au pouvoir, les Interahamwe, dressaient des listes de gens à abattre. La radio-télévision officielle, dite Radio des Mille Collines, appelait quasiment à l’extermination des Tutsis traités communément de cafards. De 1990 à 1994, la presse internationale fit état de massacres sporadiques. Le génocide se préparait.

En août 1993, sous la pression des grandes puissances, Habyarimana accepta de signer avec le FPR un accord pour le partage du pouvoir. Les cercles extrémistes autour de lui firent tout pour empêcher son application. La crainte de perdre le pouvoir accéléra la préparation du génocide, seul moyen à leurs yeux de le garder. C’est d’ailleurs l’attentat dont fut victime Habyarimana, en revenant d’une nouvelle négociation régionale pour trouver une solution, qui le déclencha. Dans les jours suivants, un nouveau gouvernement regroupant les plus extrémistes du régime, fut mis en place dans les salons de l’ambassade de France.

Le génocide fut nié par la grande presse française, qui reprit servilement, comme dans les pires dictatures, les mensonges du pouvoir. L’ONU finit par interdire les livraisons d’armes au Rwanda, mais des banques françaises servirent encore d’intermédiaires pour le trafic d’armes. Au bout de trois mois, quand les grandes puissances firent semblant de s’alarmer de la situation, l’ONU permit à la France de lancer une opération dite humanitaire, qui cachait en réalité la volonté de protéger la fuite des génocidaires armés vers le Congo voisin. Ajoutant du cynisme à la barbarie, Mitterrand alla en novembre 1994 jusqu’à parler des : « chefs locaux qui décident délibérément… de régler des comptes à coups de machette ».

Il fallut vingt-sept ans avant qu’un dirigeant de l’État français, Macron admette la responsabilité de celui-ci dans le génocide de 1994. Encore tenta-t-il de la faire retomber principalement sur les épaules de Mitterrand, qui avait l’avantage d’être mort. Cela représente vingt-sept ans de mensonges, de faux témoignages et, en parallèle, de protections accordées aux génocidaires.

Quoi qu’ils fassent pour le nier, il reste que tous les responsables politiques français de l’époque ont les mains couvertes du sang des femmes, des hommes, des enfants et des vieillards exterminés. Il ne s’est agi ni d’erreurs, ni d’un manque de connaissances de leur part. Tous savaient ce que préparait la dictature rwandaise de l’époque, et ce n’est pas une formule.

En ce mois d’avril 1994, François Mitterrand était bien président de la République, mais avec un gouvernement de cohabitation, dont l’homme de droite Édouard Balladur était Premier ministre. Alain Juppé était son ministre des Affaires étrangères et Dominique de Villepin dirigeait son cabinet. Charles Pasqua était ministre de l’Intérieur ; le « modéré » François Bayrou était ministre de l’Éducation nationale et François Fillon, ministre de l’Enseignement supérieur. Simone Veil, elle-même rescapée des camps de la mort et considérée comme un exemple d’honnêteté politique, était ministre des Affaires sociales. Sarkozy était porte-parole de ce gouvernement et Hubert Védrine secrétaire général de l’Élysée.

Cette brochette de représentants de la bourgeoisie française a fait passer la défense des intérêts capitalistes avant la vie d’un million de personnes. Que l’on ne s’y trompe pas : demain, si les intérêts des bourgeois français sont en jeu, les mêmes ou leurs successeurs pourront le refaire.

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